Il y a longtemps que le silence s’est établi en moi, autour de moi, engouffrant mes mots, un vide que rien ne semble vouloir combler, un néant qu’aucun rayon de conscience ne semble pouvoir limiter, un inconnu, un infini.
Me serais-je laisser happer par cette chute vertigineuse où les mots, les émotions, les rêves, tour à tour se reconnaissent et se fuient de manière systématique, comme d’anciens larrons complices ayant pris des chemins contraires et se retrouvant face à face, s’évitent à tout prix par honte de faire ressurgir leur ancienne amitié dont il ne reste plus que les cendres?
Depuis un certain temps, je me laisse porter par les mots des autres, accueillant la résonance de leurs cris, de leurs angoisses, mais aussi de leurs plaintes muettes. Plutôt que de chercher mes propres mots, je laisse rebondir mes émotions sur celles des autres.
Serait-ce un exercice de reconnaissance, une recherche d’apartenance dans le lot des revendications des autres, pour me permettre de me retrouver dans leurs misères, leurs souffrances qui sont aussi les miennes ou qui leur font écho?
Une tentative d’effacer mon individualité pour retrouver un ancrage dans le collectif? Ou celle de la retrouver dans le silence de mon âme afin de mieux laisser jaillir mes mots, telle une source, dont les origines remontent aux premiers frétillements de la vie, qui ne s’embarasse pas de faux semblants, mais se livre crue, sans fausse modestie ou hypocrisie, dans une vérité qui si elle blesse n’en est pas moins majestueuse car universelle.
Le silence fait résonner les non-dits, les cris sourds, il porte les regards désenchantés et meurtris, la souffrance. Mon silence se veut-il complice ou accusateur? Puis-je prendre position ou tenter encore la neutralité?
Comment rester dans le gris sous le regard d’une mère mourante faute de soins, ou en fixant l’oeil haggard d’un jeune enfant affamé? Comment rester à l’écart lorsque des années de dures labeurs sont réduites en cendres pour satisfaire la cupidité des nantis mécontents?
Comment, pourquoi, qui, à quelles fins? Autant d’interrogations que le silence porte avec fracas et auxquelles je n’ai aucune réponse. Silence, vide, néant… passer par l’absence pour retrouver le trop plein. Me laisser porter par les mots, leur donner la liberté de se former et de se faire connaitre.
On ne peut endiguer la rivière lorsqu’elle est en crue. Ils finiront bien par faire irruption pour tout ravager sur leur passage. Silence, destructeur… le calme avant la tempête. Celle de mon âme.
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